Sous le regard apaisé de la Mulâtresse Solitude, figure emblématique de la lutte des esclaves noirs en Guadeloupe et de toutes les femmes oppressées, Chantal Clem évalue le travail qu’elle vient de réaliser. Poursuivre ce projet en l’exposant dans les ruines de Saint-Pierre en Martinique, elle y croit vraiment.
De l’expo-conférence « Figures des femmes d’Outre-mer », elle a un sourire en coin : «Je suis comblée». Dans un lieu d’exception, le Palais d’Iéna à quelques mètres de la Tour Eiffel, elle a eu la chance d’honorer durant cinq jours, toutes les femmes ultramarine d’exception. Des femmes illustres anonymes ou connues dans leur engagement et leur bataille contre les violences, les abus, les discriminations ou l’asservissement.
Entourées de la guadeloupéenne Gisèle Pineau, l’écrivaine Mérine Ceco (Corinne Mancé-Caster) et la psychothérapeute Viviane Rolle-Romana, elle a accompli et réussi un projet ambitieux. D’une histoire commune entre deux femmes dont Simone Schwartz-Bart et la martiniquaise responsable de l’association « Kouleurs Karayb » « Figures des Femmes Outre-mer » est aussi nées d’un constat des deux femmes.
Toujours dans l’ombre des hommes, les femmes antillaises doivent se faire entendre et conquérir leur espace de discussion : « Oser dénoncer, écrire sur les violences faites aux femmes c’est nécessaire. sinon les femmes seront doublement victimes si elles ne peuvent pas extérioriser leur souffrance. Il est urgent qu’il y ait plus d’espace de parole, les hommes se sentiront alors traquer, ce qui les obligera à changer de comportement ».
Toutes les trois d’approuver la démarche de Chantal Clem, qui pourtant regrette l’absence de la ministre des Outre-mer Erika Bareigts. Elle était pourtant conviée et attendue pour entendre les récits et témoignages des écrivaines antillaises sur le rôle attribué aux femmes de ces régions ultramarines.
Des femmes qui se sont démarquées très tôt pour construire leur famille en dépit des absences répétées et lassants des hommes. Cette force, est-ce un héritage ou les séquelles de la période esclavagiste? interpelle un auditeur dans la salle du CESE.
Comment vivre dans une société où le nombre de familles monoparentales ne cesse d’augmenter ? Sans doute pour éviter d’en faire partie que les femmes mêmes les plus cultivées subissent ce chantage d’être une femme bafouée, mais mariée ou pacsée ou en concubinage ? S’interroge quelqu’un d’autre dans l’immense salle à colonnes.
En conclusion, les actions de femmes doivent être des actions de fécondité tempête Chantal Clem : « Il faut que les actions des femmes continuent au delà du samedi 17 décembre. Cette ambition doit inspirer d’autres femmes ».
Nulle doute que la célèbre Mulâtresse Solitude est un personnage qui compte pour Chantal Clem. Définitivement immortalisée dans le roman d’André Schwartz-Bart, La Mulâtresse Solitude, publié en 1972, l’esclave guadeloupéenne (1772-1802) est un pilier de la lutte et la résistance.
Elle a trente ans quand elle est enchaînée et conduite à l’échafaud, c’était le 29 novembre 1802. Après quinze jour de siège, des esclaves en Guadeloupe, des rebelles-résistants dont la Mulâtresse, sortent et marchent sur une place immense et silencieuse. Ils seront tous pendus. Même face à l’adversité l’écrivaine Mérine Céco dit : « On peut avoir des différences, mais on doit respecter la dignité des personnes ».
Pendant que la plasticienne Valérie John continue d’animer la séance littéraire, nous nous accordons un temps pour visiter les espaces d’exposition. Sur une pancarte est expliquée en détail la réalisation murale de Gilles Elie-dit-Cosaque.
Le réalisateur est aussi photographe et graphiste. Sa fresque animée de portraits de femmes noires a été durant les cinq jours de « Figures des Femmes des outre-mer », un élément central pour l’exposition. « Cette œuvre est décrite comme étant une œuvre interactive faite de portraits photographiques recomposés et anonymisés ».
Plus loin, c’est le Palimpseste de Valérie John qui étonne. La créatrice utilise de fines bandes de papier de récupération qu’elle tresse et fait tenir ensemble.
Les grandes femmes noires totems de 7 mètres sont d’Annabel Guerrero, gardiennes de l’expo-conférence, elles ont toutes été réalisées par le directeur artistique Stéphane Moginot.
Aujourd’hui, les retombées sont connues et le projet va bientôt voyager puisqu’il est aussi conçu pour être une expo-conférence itinérante.
L’ONU, avec une délégation de 18 ambassadeurs, s’est déplacée pour l’occasion et souhaite accueillir le projet. de son côté la responsable de « Couleurs Karayb » négocie, nous dit-elle, un partenariat avec la ville de Toulouse pour les futurs colloques en France liés à l’exposition.
Après un hommage appuyé à Victoria Vamur, psychologue en Guadeloupe, Chantal Clem s’adresse aux femmes des régions de Martinique, Réunion, Guyane ou Guadeloupe. Ecoutez la au micro de Dorothée Audibert-Champenois :
Reportage et Photos Dorothée Audibert-Champenois/Fbook C’news Actus Dothy