« Je veux une poupée qui me ressemble » – « I want one just like me » dans toutes les langues la demande est faite.
Les poupées noires ne sont plus des jouets uniques et exceptionnels ce sont des poupées désormais accessibles. On peut les trouver sur les rayons des magasins spécialisés comme les autres poupées ou baigneurs. Mais aujourd’hui, elles sont de sortie au « Salon des poupées noires ».
La jeune Nella hoche la tête, sa mère trouve « innovant et d’une évidence ! » cette volonté d’offrir à une enfant noire une poupée qui lui ressemble.
Nydia de Marie-Galante est ravie, d’autant que les prix sont abordables, que les poupées sont soignées. Elles sont à l’entrée du 5ème Salon des poupées noires à Pantin au Nord-Est de Paris. Noël approche à grands pas, c’est « une belle idée de cadeaux pour les filles » de cette famille guadeloupéenne.
Samedi 3 décembre c’est la vice-présidente Guilaine Mondor qui reçoit les potentiels acheteurs et visiteurs dans la Maison du quartier au 12 rue Scandicci.
L’ambiance est festive, chant, contes et discours se mêlent aux palabres des exposants essentiellement caribéens et africains.
Plus que festive cette démarche de faire rencontrer les enfants, leurs parents et des poupées noires est nécessaire et urgent. Les enfants identifient toujours le Noir comme le méchant. C’est un constat évident vu dans une vidéo de juin 2012, le « Test de la poupée blanche et de la poupée noire » rendu viral sur les réseaux sociaux à l’époque, rappelle la vice-présidente de « Poupées des tropiques ».
Cheveux crépus, bouclés ou en afro, les poupées des stands sont habillées avec goût en respectant les particularités culturelles de chacune des créatrices. Qu’elles soient destinées aux touristes ou aux enfants, elles sont toutes noires aux yeux foncés.
Une volonté de femmes qui veulent aider leurs enfants à être plus en phase avec la réalité. Une nécessité souligne Siobhan (Shivon) qui vient de Londres comme sa consoeur Ama Gueye. Pour qu’elles plaisent, les poupées que vendent Siobhan, « parlent » comme les autres poupées blanches mais le créole jamaïcain. Les poupées se vendent vite, il n’en reste plus qu’une. Il faut deux semaines à sa créatrice jamaïcaine Toyah pour parfaire ce petit chef-d’oeuvre qui coûte 72 Euros.
Cela fait huit mois que la dominicaine Siobhan (Shivon) vend des poupées noires. Une démarche militante. C’est ce que nous explique la vice-présidente de l’association « Poupées des tropiques » qui organise le » Salon des poupées noires ».
A l’origine de cette manifestation, une femme, c’est Rosine Mondor (ci-dessous en rouge), présidente de « Poupées des Tropiques » qui, il y a dix ans propose aux créateurs d’exposer des poupées noires selon leur identité culturelle.
Depuis plusieurs associations présentes aujourd’hui ont créé des événements similaires, à Londres comme « Opération Sankofa » qui en Août dernier a réuni de nombreux artistes au Bernie Grants Art Centre à Tottenham Green en Angleterre.
La ghanéenne Ama Guye (ci-dessus), en est la présidente, elle envisage de prolonger la manifestation en Afrique pour sensibiliser ses compatriotes : « C’est nécessaire, Il n’y a que des poupées blanches en Afrique ».
Pour renforcer cette prise de conscience, des discours étaient entendus ce samedi, c’est celui du poète-écrivain Amadou Elimane Kane qui retient l’attention. Le poète-écrivain sénégalais connu pour ses écrits sur la renaissance panafricaine, a reçu en novembre dernier le Prix Littéraire Fetkann/Maryse Condé.
C’est en invité spécial qu’il a suivi les premières heures de l’exposition des « Poupées noires ». En quête d’un prénom de baptème pour une poupée-baigneur qu’une créatrice attache sur son dos, l’écrivain propose : Tiyi. Amadou Elimane Kane nous raconte que Tiyi est le nom d’une grande reine africaine. La Reine noire d’Egypte, d’origine soudanaise de la XVIII dynastie, aurait initié son fils Akhénaton aux nouvelles religions monothéistes.
Félicité est filmé, elle a choisi de représenter toutes les femmes de toute l’Afrique assure t-elle.
La Guadeloupe met en avant ses poupées habillées en madras
et Lorry Mac Gyver Kréation jeune créatrice qui expose régulièrement dans son centre culturel « Nous Vous Îles » à Choisy-le-Roy est présente ce soir à Pantin.
Quant aux prix les organisateurs sont formels, ils restent acceptables, il est possible de « s’offrir une poupée noire avec 15 euros« .
Mais elle reconnaît qu’il a beaucoup d’heures de travail sur certaines, des efforts sont consentis pour que les poupées soient encore plus belles chaque année.
Ce soir, la vice-présidente est satisfaite « on voit que chaque parent part avec son petit sac ». Un signe de succès pour ce 5ème Salon « Des poupées noires ».
Reportage et Photos Dorothée Audibert-Champenois/Fbook C’news Actus Dothy