Pour Frédéric Tieborou c’est une éclatante victoire dans l’affaire qui l’oppose à un bailleur social de logement, Logirep. Vendredi, la Cour d’Appel de Versailles a doublement condamné la Société qui loue des logements sociaux en Ile-de-France. Logirep doit verser 25 000 Euros d’amendes pour discrimination sociale et 20 000 Euros pour fichage ethnique.
Frédéric Tieborou, la victime, plusieurs associations dont SOS racisme et la Fédération Nationale des Maisons des Potes (la FNMP), poursuivaient la Société Logirep depuis 10 ans. Condamné une première fois le 2 mai 2014, pour fichage ethnique, le bailleur de fond avait été partiellement relaxé pour discrimination raciale.
« BEAUCOUP DE PERSONNES D’ORIGINE AFRICAINE ET ANTILLAISE DANS LA TOUR »
En 2005, Frédéric Tieborou, un français d’origine ivoirienne, travaille comme agent à la RATP, il vit dans des conditions insalubres dans le 20ème arrondissement près de Montreuil. Il postule pour un trois pièces à Nanterre. Le français remplit un dossier auprès de son employeur qui dispose du 1% patronal. Des conditions favorables pour un relogement prioritaire. La Société de Transport public, La RATP dispose d’un quota de logement qui lui est réservé dans la Tour Ouessant à Nanterre dans les Hauts-de-Seine en Ile-de-France.
Sa candidature est refusée. Dans la lettre de refus, Logirep prend motif de l’article 56 de la loi du 26 Juillet 1998 : « mixité sociale, relative à la lutte contre l’exclusion ». L’agent d’origine africaine décide d’interroger le bailleur social, pour en savoir plus. En discutant au téléphone, une secrétaire lui répond « qu’il y a trop de noirs dans l’immeuble ».
Elle explique que le bailleur HLM « est obligé d’appliquer cela dans des tours, notamment à Nanterre, parce que c’est déjà des tours qui vivent très mal, il y a beaucoup de problèmes et on essaie de mixer un peu toutes les origines et tous les revenus ». En conclusion, il y avait « beaucoup de personnes d’origine africaine et antillaise dans la Tour Ouessant»
« Alg » POUR ALGÉRIEN et « Gy » POUR GUYANAIS
Frédéric Tieborou qui a enregistré toute la conversation, alerte SOS Racisme et la FNMP (la Maison des Potes), il se « sent » victime de discrimination à cause de ses origines africaines. Avec le soutien des deux Associations, il décide de porter l’affaire devant les tribunaux.
Cette bande-son qui apporte la preuve d’une discrimination raciale est prise au sérieux. Une enquête est ouverte et la commission d’attribution des logements est auditionnée. Une perquisition dans les locaux confirme que Logirep mentionne les origines de naissance des candidats qu’il inscrit dans des fichiers informatiques : « Alg » pour Algérien et « Gy » pour Guyanais
LE BAILLEUR EST CONDAMNÉ POUR DISCRIMINATION ET FICHAGE ETHNIQUE.
Après dix ans de procédure, l’avocat Bertrand Patigeon de la Maison des Potes, est satisfait.
Aujourd’hui, la Cour d’appel qui lui donne raison, retient la responsabilité de Logirep dans son : « refus de fourniture d’un bien et d’un service », et précise que « l’infraction se fonde essentiellement sur une analyse erronée de la mixité sociale ». Ils ont confirmé le premier jugement 20 000 Euros d’amendes pour « fichage ethnique » et rajoute 25 000 Euros d’amendes pour » discrimination.
Le bailleur HLM Logirep, qui gère 37 000 logements et qui a entre temps changé de nom, Polylogis, est déçu. Pour Daniel Biard, Président du Comité exécutif du groupe, « ce genre de condamnation jette l’opprobre sur un organisme où siègent des élus et des représentants des habitants ».
Christian Giuganti, le Directeur Général de Polylogis (ex-Logirep), étudie un éventuel recours en Cassation.
La prochaine loi sur « L’égalité réelle » qui doit être présentée avant l’été, permettra d’éclairer les professionnels sur le respect de l’égalité et comment mieux appréhender la mixité sociale en France.
Dorothée Audibert-Champenois
photos Le Monde