En ces temps de réflexion et de crispation autour de l’esclavage, le premier roman de la martiniquaise Arlette Pujar est dans le ton de l’apaisement et de la transmission. C’est ce qu’elle nous confie et qu’elle livre dans « Vini Vann, la boutique de Manzel Yvonne ».
La toute nouvelle écrivaine, Arlette Pujar était de passage à Paris en mars dernier, au Salon du Livre à la Porte de Versailles.
Loin des activités d’écrivains, Arlette Pujar qui habite dans la capitale, Fort-de-France, est
directrice générale de la Fonction publique territoriale. Elle est en charge des collectivités territoriales, elle manage, conseille et prévient les élus sur la gestion des risques. Arlette connaît l’histoire de ce territoire, de son Pays, elle en parle avec passion. C’est de là que lui vient ce besoin de raconter, la beauté et les traditions de ce vieux territoire, son Pays, la Martinique.
C’était si bien, « An tan lontan ». « C’est fondamental de transmettre aux jeunes, c’est une forme de reconnaissance des valeurs transmises. Avant on ne jetait rien, tout était recyclé. Les restes, cétaient du « manjé pour les cochons ». L’éducation aussi a changé, en classe les enfants respectaient les enseignants. Le comble ! Plus personne ne se déplace pour visiter les personnes âgées ». Elle parle avec une forte note de nostalgie et le titre du Livre reste dans le même ton. Faut-il regretter le progrès ? Mais le sort de Manzel Yvonne sonne comme le glas !
« Avant, on discutait dans la boutique, c’était un lieu intergénérationnel, mais maintenant avec les portables on ne parle plus, on ne s’invite plus ».
Devant cette fameuse Boutique d’« An tan lontant », on perçoit un cri, un appel à la raison qui tape dans la tête : « revenons à nos valeurs, revenons à nos traditions, revenons à notre dignité ». Ce n’est peut-être pas de la nostalgie! C’est un constat qu’elle fait sur la vie d’aujourd’hui. Cet ancrage du passé, le temps du roman, raconte tout simplement, une histoire en noir et blanc dans « Vini Vann, La boutique de Manzel Yvonne », pour que l’on n’oublie pas l’histoire, pour figer la mémoire et aider la transmission.
Arlette est une rescapée des Antilles. Elle a un an, quand ses parents quittent la Martinique et s’installent das le Sud de la France. Ils crèchent dans le 15ème arrondissement à Marseille. Son père employé à la CGM (Compagnie Générale Maritime), subit les premiers troubles sociaux de l’époque, on lui propose de partir ailleurs, d’aller en France. Il choisit la Méditerranée, parce qu’il fait chaud, le climat est doux, les gens sont plus ouverts et « chose appréciable, il y avait la mer ».
La petite grandit dans une barre HLM de 15 étages. Mais comment pouvait-elle se plaindre? La jeune Arlette, se réveille tous les matins en voyant la mer, elle se souvient de là bas, des plages de Martinique. Mais l’adolescente commence à s’ouvrir au monde comme on dit. Marseille est une ville dense, cosmopolite, le Maghreb, l’Espagne, les Antilles. Elle commence à se frotter aux autres cultures et l’envie de voyager se fait sentir.
Elle a beaucoup de chance Arlette. Tous les deux ans, selon le contrat professionnel de son père, elle peut revoir la Martinique. Ce sont les fameux congés bonifiés dont bénéficient la famille d’Arlette Pujar. Mais en s’initiant aux cultures provinciales de la méditerranée, la jeune fille se rend compte que sa propre culture, ses traditions sont délaissées. Ce sont ces images qui tissent les lignes du livre d’Arlette Pujar.
L’héroïne de son livre « Vini Vann », est une petite fille, Anita, qui comme l’écrivaine quitte la Martinique avec ses parents. Elle part pour la Colombie, c’est à dire en lôt bô (en créole martiniquais). La trame de l’histoire : « Les parents de la petite Anita, cotisent ensemble pour aider un autre compatriote à quitter l’île pour avoir un meilleur avenir« . Un air de déjà, vu, comme une histoire connue. Et, le message serait celui là : « il faut partir avec sa culture et ne pas l’oublier ».
Certainement une autobiographie romancée de l’écrivaine Arlette Pujar.
Reportage : Dorothée Audibert-Champenois
Ecoutez Arlette Pujar, elle vient de publier son premier ouvrage « Vini Vann, La boutique de Manzel Yvonne » (Au micro de Dorothée Audibert-Champenois)
photos : Arlette Pujar/FacebookPujar/Dothy A-Ch